EN IMAGES – L’ensemble des nouveaux aménagements a été chiffré à 6 millions d’euros, financés par la Fondation Notre-Dame.
Leur portable a sonné, affichant un numéro de téléphone inconnu. Au bout, la voix de Mgr Ulrich, archevêque de Paris, leur annonçant qu’ils étaient retenus pour créer le futur mobilier de Notre Dame. «J’ai encore de la peine à y croire , disait, vendredi matin, le designer Guillaume Bardet, tandis que Ionna Vautrin parlait d’un « grand honneur ».
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Cette consécration vient neuf mois après le lancement d’une consultation visant à choisir un artiste pour les cinq éléments du mobilier liturgique (l’ambon, la cathèdre, l’autel, le tabernacle et le baptistère) et un second pour les assises. Si ces dernières ont disparu dans le brasier, le mobilier, dont l’autel de Jean Touret emblématique de l’ère Lustiger, avait lui résisté. Il a pourtant été décidé de lancer une commande afin d’inscrire la restauration de la cathédrale dans le XXIe siècle. « Depuis l’époque de sa construction, les artistes ont toujours été présents. Ceux d’aujourd’hui portent en eux la souffrance d’une cathédrale qui a brûlé et l’espérance de sa renaissance », souligne Mgr Ulrich, qui a pris deux jours de réflexion avant d’annoncer le nom des deux lauréats.
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La proposition de Guillaume Bardet d’un mobilier en bronze est, sous son classicisme apparent, plus osée qu’elle n’y paraît. À la fois puissant et épuré, il fait entrer le bronze en majesté dans un édifice de pierres et de vitraux. Tous les concurrents du lauréat avaient d’ailleurs imaginé un autel en pierre majoritaire, afin de rappeler celle, blonde, de la cathédrale. Guillaume Bardet s’est appuyé sur le savoir-faire de la fonderie Barthélemy Art, à Crest (Drôme), avec laquelle il travaille régulièrement. Des fonderies est notamment sorti son projet pour le couvent de la Tourette. « Les quarante salariés de la fonderie n’en reviennent pas d’être au cœur de cette incroyable aventure », témoigne le désigner.
Tout comme ceux de l’entreprise Bosc, fabriquant landais qui va s’attaquer aux 1500 chaises imaginées par Ionna Vautrin. En chêne massif avec un dossier bas et ajouré, ces assises s’accrochent entre elles. Leur dossier en arc renvoie aux colonnes de l’édifice. D’un poids de six kilos, elles rompent résolument avec les traditionnelles chaises en bois et paille des églises. Essayées par tous les membres de la commission artistique, elles ont été considérées comme confortables. Au-delà, leur simplicité – qui étonnera certains- a été un atout : l’archevêque de Paris avait indiqué qu’il souhaitait des chaises ou des bancs discrets, afin de laisser la « primauté » au mobilier liturgique et à l’architecture de la cathédrale.
On se souvient qu’en 2021, un premier pré-projet d’aménagement intérieur avait préconisé des bancs connectés, dotés d’un lumignon sur leur dossier. Devant le tollé, le projet avait été abandonné, et un comité artistique installé. Il a visiblement retenu les leçons du passé, et a pris soin d’auditionner l’ensemble des sept candidats, dont deux pour les assises, à trois reprises. « Personne n’était là pour nous faire tomber, nous étions face à un jury bienveillant », indique Ionna Vautrin. « Depuis le mois de janvier, j’étais entièrement concentré sur Notre-Dame. J’ai réalisé plusieurs maquettes successives », dit pour sa part, Guillaume Bardet.
Un reliquaire pour la couronne d’épines
Il n’était pas le seul à s’être laissé habiter par le projet, tant la participation à la reconstruction de Notre-Dame est un Graal. On peut imaginer la déception des finalistes non retenus, Laurent Grasso, Constance Guisset, Pascal Convert, Nicolas Alquin et Marc Alechinsky et Patrick Jouin, qui avaient dû s’adapter à un cahier des charges draconien et avaient travaillé d’arrache-pied.
Deux autres personnalités, la scénographe Nathalie Crinière et l’architecte designer Sylvain Dubuisson, sont également en train de travailler, sans être passés sous les fourches caudines du comité. La première œuvre sur les deux chapelles où se trouveront les confessionnaux, ainsi qu’à la future signalétique. Le second, qui avait déjà imaginé un projet de tabernacle et de chapelle pour Notre-Dame, en 2004, a travaillé sur un imposant reliquaire pour la Sainte couronne du Christ. Dévoilée vendredi, la châsse reliquaire, faite d’une auréole de cabochons à fond d’or située au centre d’une claie de bois, sera déposée dans la chapelle axiale derrière la croix et la Gloire de Marc Couturier réalisées en 1995. L’ensemble des nouveaux aménagements a été chiffré à 6 millions d’euros, financés par la Fondation Notre-Dame.
Le 13 juillet, il reviendra à la commission nationale de l’architecture et du patrimoine de valider définitivement les choix de Monseigneur Ulrich. Après quoi, le diocèse prévoit d’exposer les différents projets pour que chacun puisse se faire une idée, avant la réouverture de la cathédrale le 8 décembre 2024.