L’espérance de vie a de nouveau baissé au Québec l’année dernière, et de façon notable, selon le bilan démographique publié ce mercredi par l’Institut de la statistique du Québec. En cause : la COVID-19.
L’espérance de vie avait chuté en 2020, en raison de la pandémie, puis avait retrouvé son niveau pré-pandémique en 2021, ce qui avait fait pousser un soupir de soulagement. Mais le nombre de décès est reparti à la hausse en 2022, si bien que l’espérance de vie a de nouveau baissé. Elle a diminué de neuf mois et c’est significatif.
L’an dernier, l’espérance de vie s’est ainsi établie à 82,3 ans (84,1 ans chez les femmes et 80,5 ans chez les hommes), soit des niveaux comparables à ceux de 2020, première année de la pandémie.
Le nombre total de décès enregistrés en 2022 (78 400 décès) est le plus élevé depuis 2000. Il a même légèrement dépassé le nombre de décès survenus en 2020. L’Institut de la statistique (ISQ) souligne qu’il s’agit d’une « hausse exceptionnelle ».
Depuis le début de la pandémie jusqu’à décembre 2022, la surmortalité a été de 5,6 % au Québec. La surmortalité est l’écart entre les nombres de décès observés et ceux attendus normalement.
« Les épisodes de surmortalité au Québec ont généralement coïncidé avec les vagues de décès liés à la COVID-19 », signale le communiqué de l’ISQ.
« Au début de 2022, lors de la vague Omicron, la surmortalité a atteint un pic de 26 %. Entre août et décembre 2022, des décès causés notamment par la grippe et d’autres virus respiratoires se sont ajoutés à ceux liés à la COVID-19, ce qui a entraîné des niveaux de surmortalité relativement élevés », poursuit l’Institut.
Persistance de la COVID-19
Plus personne ne veut en entendre parler, mais les faits sont têtus : le SRAS-CoV-2 a continué et continue toujours de circuler.
À la mi-décembre 2022, on comptait environ 20 fois plus de copies de gènes du virus dans les échantillons d’eaux usées qu’à la mi-mai 2022, lorsque le gouvernement a levé l’obligation du port du masque dans les lieux publics fermés. Un pic similaire a aussi été enregistré à la mi-juillet.
Il y a une dizaine de jours, à la mi-mai 2023, la quantité de virus dans les eaux usées était encore quatre fois plus élevée qu’à pareille date l’an dernier.
Entre mai et décembre 2022, le nombre d’hospitalisations liées à la COVID-19 s’est toujours maintenu au-dessus de 1000, avec des pointes à un peu plus de 2000 hospitalisations, selon les données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
En comparaison, le 29 juillet 2021, on en comptait seulement 60. Depuis, le nombre d’hospitalisations liées à la COVID-19 n’est jamais retombé aussi bas.
Hier, on dénombrait encore 851 hospitalisations liées à la COVID-19.
Un virus qui affaiblit tout l’organisme
Une personne qui a été infectée ou ré-infectée par le SRAS-CoV-2 peut subir des séquelles. De plus en plus de recherches scientifiques constatent que le virus de la COVID-19 ne tue pas les personnes affectées seulement de façon directe et immédiate, comme il le faisait dans les CHSLD au printemps 2020. Des infections à répétition provoquent aussi des décès de façon indirecte et prolongée.
Une étude publiée dans Nature Medicine montre qu’une personne qui contracte une deuxième infection au SRAS-CoV-2 court quatre fois plus de risques de mourir dans les 30 jours qu’une personne qui n’a pas été réinfectée. Si elle ne meurt pas dans le mois suivant cette réinfection, elle n’est pas sauve pour autant : au cours des six mois après une deuxième infection, le risque de mourir est de deux fois plus élevé.
Les risques de maladies cardiaques (troubles cérébrovasculaires, dysrythmies, cardiopathies, péricardites, myocardites, insuffisances cardiaques, maladies thromboemboliques, etc.) augmentent au cours de l’année suivant un diagnostic de COVID-19. Ils sont manifestes chez les personnes qui ont été hospitalisées à cause de la COVID-19, mais aussi chez celles qui n’ont pas été hospitalisées.
Une recherche menée en Europe auprès de 160 000 patient·es signale que les risques de mourir d’une maladie cardiaque sont cinq fois plus élevés un an et demi après avoir contracté la COVID-19. Même constatation au Canada : un article paru dans le Canadian Journal of Cardiology note que la pandémie a entraîné des taux considérables de surmorbidité et de surmortalité au pays.
En plus de provoquer des décès, le virus de la COVID attaque le cerveau et accroît les risques de développer le Parkinson et la maladie d’Alzheimer. Il entraîne une multitude de maladies neurologiques.
Une douzaine d’études montrent qu’il augmente aussi les risques de diabète.
Il s’attaque d’abord aux poumons et aux voies respiratoires, mais il peut aussi causer des dommages aux reins et au foie, entre autres organes.
Les hôpitaux sous pression
La COVID continue d’hypothéquer le bon fonctionnement des hôpitaux. Les éclosions de COVID obligent le personnel à isoler des départements, ce qui complique singulièrement le travail.
Plusieurs patients contractent la COVID à l’hôpital.
« Les infections nosocomiales à la COVID compromettent la guérison de patients fragiles », signale la Dre Marie-Michelle Bellon, une interniste qui pratique dans un hôpital de Montréal.
« Ces infections alourdissent la prise en charge : nécessité d’isoler les patients, casse-tête pour les changer de chambre et manque de chambres individuelles, risques de contamination des salles d’examen radiologiques, annulation d’examens et retard dans les investigations, congés reportés et allongement des durées de séjour. »
« C’est loin d’être banal. Mais la problématique de la transmission du virus en milieu hospitalier n’a jamais été abordée de façon transparente au Québec », remarque la Dre Bellon.
Baisse de la vigilance
Pendant ce temps, le gouvernement fait comme si la pandémie n’existait plus.
Depuis le 15 mai, il n’est plus possible pour tout un chacun de se procurer gratuitement des boîtes de tests de dépistage dans les pharmacies, à moins de faire partie de groupes précis (comme les personnes âgées de 65 ans et plus). Les gens ressentiront des symptômes, mais ne pourront pas savoir facilement s’ils ont la COVID ou un simple rhume.
Le 6 avril, le ministère de la Santé a publié un communiqué indiquant que le port du masque n’est plus systématiquement obligatoire dans les établissements de santé. Dorénavant, c’est aux dirigeant·es des établissements d’évaluer s’il est approprié de l’imposer ou non dans leur milieu de soins. « Ils pourront prendre la décision de réintégrer le port du masque en prévention dans leurs installations lorsque nécessaire, comme c’était le cas avant la pandémie », écrit le ministère.
Cet allègement est aussi en vigueur en Ontario et dans d’autres provinces. Une pétition circule au Canada anglais pour que le port du masque demeure obligatoire dans les hôpitaux. Elle a déjà recueilli plus de 28 000 signatures. En Colombie-Britannique, la commissaire aux droits humains affirme que les directives permettant le retrait du masque ne respectent pas les droits des patients à être traités de façon sécuritaire.
Si les autorités de santé ignorent le virus, le virus, lui, ne nous ignore pas.
Ici comme ailleurs, les médias n’alertent plus la population sur les dangers de la COVID, dénonce la Fondation Nieman pour le journalisme de l’Université Harvard, dans un rapport intitulé « Trois ans plus tard, la COVID-19 est toujours une menace pour la santé : le journalisme doit en rendre compte ».
Le rapport souligne qu’aux États-Unis, les Centers for Disease Control (CDC) estiment que près d’un quart des adultes américain·es qui ont eu la COVID-19 ont également subi des symptômes de longue durée. Les recherches montrent une augmentation du nombre de crises cardiaques dans tous les groupes d’âge, particulièrement chez les 25-44 ans, souligne-t-on. Les chercheur·es découvrent aussi des preuves que la COVID affecte tellement le système immunitaire que celui-ci pourrait ne plus empêcher le développement de certains cancers.
Dans ce contexte, « le fait que de nombreux médias laissent croire que les infections n’ont plus vraiment d’importance et que c’est le temps de passer à autre chose coûtera des vies », conclut le rapport.
« On fait accroire à la population – et on se fait accroire – que la pandémie est terminée », déplore la Dre Bellon. « On fait accroire que la COVID, c’est comme un rhume, qu’il faut à tout prix un “retour à la normale”, alors que vivre avec la COVID, c’est prendre les moyens pour s’adapter à cette nouvelle réalité et en réduire les dommages. »
Avec la collaboration de Nancy Delagrave